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Tezuka : en novembre 2018, le « dieu des manga » aurait eu 90 ans

Qui aurait pu prédire, en 1933, alors qu’il était un petit écolier de Takarazuka, dans la banlieue de Osaka, que cet enfant chétif et malmené par ses camarades allait devenir la figure majeure du manga moderne ? Le lendemain de sa disparition, le 9 février 1989, le quotidien japonais Asahi Shimbun résume en des mots retentissants et particulièrement nobles la place que Tezuka a prise dans la culture japonaise et dans l’industrie du manga :

« Les visiteurs étrangers ont souvent du mal à comprendre pourquoi les Japonais lisent autant de bande dessinée. […] Une explication [est] que le Japon eut Tezuka Osamu, là où d’autres nations n’eurent aucun équivalent. Sans lui, l’explosion de la bande dessinée dans le Japon d’après-guerre eût été inconcevable ».

Un jeune lion à la capitale

A la maison familiale, le jeune Osamu bénéficie de la très large collection de manga de son père, Yukata Tezuka, homme ouvert et cultivé. Celui-ci, au moyen de son projecteur 16mm, lui fait découvrir en outre les dessins animés de Walt Disney. Il n’en faut pas davantage, sans doute, pour forger la vocation d’Osamu, par ailleurs doué pour le dessin. A l’âge de 9 ans, il dessine sa première bande dessinée, Pin Pin Nama-chan : voilà qui lui permettra de se créer une popularité toute nouvelle à l’école ! Et cette popularité ne fera que grandir : à Osaka, tout d’abord, puis à Tokyo, lorsqu’il part à la conquête des maisons d’édition de la capitale.

Il y est remarqué par l’éditeur Gakudôsha, qui lui commande un feuilleton pour son magazine Manga Shônen. L’offre inspire Osamu Tezuka : ce feuilleton, ce sera Jungle tatei, c’est-à-dire l’Empereur de la Jungle, qui raconte la vie d’une dynastie de lions blancs et sera connu en France sous le titre de Roi LeoNous sommes alors en 1950 ; Walt Disney, plusieurs années plus tard, ne méconnaîtra pas les qualités de ce manga lorsqu’il produira le Roi Lion… En 1952, Tezuka donne naissance à une autre de ses créations phares : Tetsuwan Atomu, publié en France sous le nom d’Astro-BoyBien d’autres titres suivront, en particulier Hinotori (Phénix), auquel il travaillera longuement par intermittence et qu’il considérera comme l’œuvre de sa vie. « A travers l’histoire de cet oiseau mythique, Tezuka dénonce la vanité des prétentions humaines, et exprime son profond respect pour toute forme de vie », écrit Julien Bastide dans un numéro spécial du magazine AnimeLand, paru en 2003.

Le père du manga moderne

Ce qui fait la renommée d’Osamu Tezuka aujourd’hui encore ; ce qui justifie le surnom de « dieu du manga » qu’on lui prête, c’est le rôle dominant qu’il a joué dans la structuration du manga moderne au sortir de la Seconde guerre mondiale. Même s’il a parfois sacrifié, durant sa carrière, à des effets de mode, et même si son style a suscité, à la fin des années 1950, des réactions de contre-courant auxquelles il a dû s’adapter – mais c’est la loi de l’évolution des arts et des idées –, il demeure celui qui redéfinit les codes du manga, et influence une nouvelle génération d’auteurs par son style graphique nouveau, par la densité de ses scénarios, par son découpage inspiré notamment du cinéma américain. Julien Bastide écrit encore, dans le même article, que :

« Bourreau de travail et raconteur d’histoires infatigable, il n’eut de cesse d’expérimenter tous azimuts, touchant un nombre incroyable de registres, et s’adressant à toutes les tranches d’âge. Il a marqué plusieurs générations de lecteurs et de dessinateurs de manga, à tel point que, comme le déclare le critique Nabuhiko Saito : depuis [la Seconde guerre mondiale], tout le manga japonais – et c’est encore vrai aujourd’hui – s’est élaboré à l’intérieur de formes créées par Osamu Tezuka. »

Bon anniversaire, Monsieur le Maître !

Photo : Au début de l’année 2018, une exposition à Angoulême avait rendu hommage au travail d’Osamu Tezuka